Kundalini et Évolution

 

(Copyright 1999  – 2014)

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L’éveil de la kundalini est le résultat d’un aspect très précis du développement de l’énergie. Et ceci quelle qu’elle soit. Celle-ci emprunte dans ce développement et dans un mouvement ascendant le système des chakras et des nadis, deux termes qui sont originaires de l’Inde. Pour simplifier, disons que les chakras sont les centres qu’elle active lors de son développement, et les nadis les circuits subtils qu’elle emprunte. Les chakras et les nadis trouvent leur équivalent sur tous les plans de la nature humaine et de la création, du plus physique au plus subtil. Nous reviendrons dans un autre article sur cet aspect des choses pour une description plus complète de ce système.

Pour le sujet qui nous occupe vous avez peut-être lu et entendu ici et là, même émanant d’auteurs reconnus et compétents en leur domaine, toutes sortes de choses. Beaucoup ont tendance à traduire le phénomène de la kundalini en fonction de leur expérience en propre. Comme nous le verrons il s’agit d’un phénomène vaste et complexe qui ne peut se traduire en quelques mots, furent-ils justes, ni en un type d’expérience, ou une forme d’éveil.

Car le phénomène de la kundalini n’appartient à aucune tradition ou culture, aucune époque ou religion, aucun système de pensée, science ou philosophie, mais peut tout à fait s’éveiller dans n’importe lequel de ces cadres si l’approche est adéquate. L’être humain étant terriblement opaque, spirituellement parlant, l’esprit humain et ses créations ne trouvent que très rarement la créativité et l’alignement nécessaires pour permettre un tel éveil. Toutefois, il se trouve que certains aspects du yoga, notamment du hatha yoga, peuvent jouer le rôle de catalyseur dans ce développement. Mais bien entendu, la technique seule ne suffit pas, car alors le phénomène aurait déjà été exploré et conquis par tous ceux ayant quelque peu approfondi ces techniques. Il n’y a donc pas de recette pour celui qui veut faire ce travail, et l’on peut alors se demander quel peut être le véritable élément déclencheur.

Mon but n’est pas ici de vous permettre d’éveiller cette force mais plutôt de faire comprendre ce qu’elle est ou n’est pas et les liens qui pourraient la rattacher ou non au yoga car c’est souvent à travers cette approche qu’on en entend parler. Car si le yoga et le processus de la kundalini peuvent être quelque part rattachés, la kundalini en tant que force de vie et d’évolution transcende en elle-même toutes les techniques ou systèmes tentant de l’approcher. Elle appartient à l’humain et l’humanité et non à une quelconque tradition ou mode de pensée. Toutefois, faisons la part des choses. Nous parlons ici d’une certaine forme de la kundalini. Comme je l’expliquerai, en tant que processus d’énergie, ces formes sont multiples ; mais parmi toutes ces formes certaines appartiennent à l’humain en tant qu’espèce et permettent de le placer en contact avec sa propre Divinité ou essence primordiale indépendamment de toute influence ou orientation n’appartenant pas à l’être humain. Ainsi, les aspects passant par exemple par les divinités, qu’elles soient aztèques, hindouistes, tantriques, de l’antique Égypte ou d’autres puissances occultes, n’appartiennent pas à l’humain mais à d’autres mondes et, si leurs kundalinis en propres nous relient à la conscience de ces entités en nous faisant vivre de profondes expériences, de grandes béatitudes ou en nous offrant de grands pouvoirs, elles ne permettent pas de toucher l’essence Divine propre à l’homme se trouvant au-delà de ces plans, qualitativement parlant. Il n’y a donc pas d’amalgame à faire entre les différents types d’expériences rattachés aux différents types de kundalini. Pour celui n’ayant développé qu’un seul processus, voire aucun, tout ceci peut paraître bien compliqué et l’on peut se demander la nécessité de souligner ce fait. Tous ceux parlant de la kundalini ne parleraient donc pas de la même chose ? Ceci nous amène une autre question, la kundalini pourquoi et pourquoi faire ? Pour répondre à cette question, il faut replacer l’homme dans son contexte universel et voir les raisons même de la création.

Examinons tout d’abord la structure même de développement de l’univers. On peut, bien entendu ne pas partager les points de vue de l’auteur. Toutefois, je tiens à préciser que cette vision des choses procède d’une profonde perception du réel et non de quelconques spéculations.

Au départ, il n’y a que le Créateur, cette extraordinaire force d’intelligence, d’énergie, de puissance créatrice que nul être humain ne pourra jamais appréhender dans toute sa plénitude. Cette force divine est Dieu, Allah, Paramatman, peu importe le nom qui lui est donné, et elle ne peut être représentée. Mais dire « au départ » est impropre, car cette puissance se situe hors du temps et de l’espace. Ses qualités sont liberté, individualité, créativité, amour et expression, et forment une unité, l’homme étant la seule créature dans les différents mondes partageant ainsi ces qualités avec le Créateur Lui-Même. Cette puissance n’est pas statique, elle est profondément évolutive, et l’évolution est une caractéristique même de la créativité et de l’amour. Hors de Dieu, il n’y a rien, et c’est précisément à partir de ce rien qu’est né notre univers. Comment expliquer cela ? Prenons l’exemple de la tasse : c’est le vide de la tasse qui lui donne toute sa fonctionnalité. Sans ce vide, nous ne pourrions y mettre de liquides et l’utiliser pour boire, mais ce vide n’est pas la tasse, il n’a pas d’existence propre, seule la tasse existe, pourtant toute la tasse s‘est organisé autour de son absence, de ce vide, pour devenir un objet fonctionnel avec son individualité propre. Quelque chose de nouveau est née de cette rencontre entre quelque chose qui existe, la tasse, et quelque chose qui n’existe pas, le vide. Le Créateur a fait de même en organisant le rien, le néant, Il a construit l’univers sur Sa propre inexistence et ceci a donné le temps, l’espace, la matière, les mondes intermédiaires etc… Ainsi, dans cette création, il y a ce qui vient de Dieu, ce qui est réel, qui a une existence concrète, et ce qui vient du vide, du chaos autour duquel le Créateur s’est organisé. Nous voyons donc que ce chaos fait partie de la nature même de la création, et cette création n’est pas achevée, le chaos continu d’être organisé de manière toujours plus parfaite, ce qui constitue l’évolution. Mais chaque fois que nous donnons une réalité à ce chaos, nous nous illusionnons, nous donnons une existence à quelque chose qui n’en a pas. C’est ainsi que par exemple, nous opposons le jour et la nuit, alors que seul le jour a une existence concrète, le noir n’étant que l’absence et le retrait de la lumière. Le noir n’a pas d’existence propre et la conscience ne lui en donne une que par comparaison avec la lumière. Mais si nous considérons le noir comme un phénomène propre, nous nous illusionnons. Seule la lumière vient de Dieu. De la même manière, nous opposons l’homme et la femme, le chaud et le froid, le moi et le reste etc. Chaque fois que l’homme donne une réalité concrète à ce qui n’est que l’absence du réel, il devient arbitraire et rentre dans le mensonge. Toute la création est donc tendue vers un schéma d’évolution où l’influence de Dieu est réelle, certes, mais où le pouvoir divin est encore insuffisant, du fait de l’existence d’une grande part de chaos d’où il reste absent. Si Dieu était totalement présent sur cette terre et dans le cœur des hommes cela se verrait. La réalisation divine n’est donc pas quelque chose de déjà accompli qu’il faille atteindre mais quelque chose à construire. Sinon cela nous opposerait fatalement à ce but en nous plaçant dans son contraire, ce qui nierait le principe d’évolution lui-même. La réalisation divine est un potentiel en phase d’évolution infinie. Ainsi, l’homme a peu d’âme s’il ne fait rien pour la développer, celle-ci n’existant que potentiellement. De la même manière nous pouvons collaborer au plan créateur et permettre à celui-ci de se développer plus, parce que justement tout en étant organisé autour du chaos nous acceptons une part de Dieu ; et de ce fait, nous pouvons servir de pont entre lui et Sa création. Le développement de la kundalini est la reconstruction de ce pont, et tous les aspects de l’être humain, même s’ils ne sont pas parfaits, se trouvent alors reliés les uns aux autres, de l’aspect matériel le plus grossier à l’aspect divin le plus subtil. L’essence divine dans cet éveil ne doit pas être prise pour Dieu lui-même mais pour sa composante dans l’homme. Elle en possède les mêmes qualités mais de manière infiniment plus limitée. Toutefois, ces qualités peuvent rentrer en expansion infinie, ce qui est le propre de la joie de la découverte, de la relation à l’inconnu. Cette expansion est alors mouvement d’incarnation, où le créateur, en union avec la créature pénètre alors Son univers à travers un amour et un parfum de créativité unique, et propre à l’individu porteur de cette union.

Vu sous ce jour, la véritable question à se poser n’est donc pas comment est-il possible d’éveiller sa kundalini, mais plutôt suis-je prêt à transcender ma nature humaine pour permettre à la force d’évolution de l’univers, la force créatrice, de passer par moi. Suis-je prêt à accepter toutes les implications de cela quelles qu’elles puissent être, sachant que l’individualité participe alors elle-même de sa propre évolution, de celle de l’univers et de l’humanité. Le simple fait de répondre par l’affirmative, et avec sincérité, à cette question implique un alignement dans la conscience du moi vers les lois divines de la créativité. La Grâce peut alors s’exprimer et l’éveil de l’Être intérieur ou Âme devenir effectif, que celui-ci passe ou non par l’éveil de la kundalini. En cela consiste l’élément indispensable à toute approche, en dehors de tout dogme et religion, de système de pensée et philosophie, tel un mouvement d’auto révélation, libre de toute forme d’influence venant du monde visible ou invisible.

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Revenons plus précisément sur les différentes formes d’expression que peut emprunter la kundalini. Nous avons présenté la kundalini non pas comme un type de force en particulier mais comme un processus que peut emprunter l’énergie. Et selon ce qu’est cette énergie les résultats peuvent être tout à fait différents. Il est tout à fait important de souligner ce fait. Car dans l’ignorance et la confusion générale, la plupart de ceux s’intéressant au sujet ont tendance à considérer la kundalini comme un mécanisme unique, devant mener forcement vers le Divin, ou ce qui lui est associé. Or, bien souvent, ce n’est pas le cas. Et les courants actuels, s’ils empruntent un langage spirituel pour présenter le processus de la kundalini, ne font qu’orienter bien trop souvent les chercheurs vers des forces intermédiaires ou basses dans leur nature. La plupart s’en contenteraient, car grand nombre de ces forces nourrissent avec grande facilité les besoins sensuels du vital, ou la sensation de pouvoir et de puissance sur le monde. Si ce n’est que cela a lieu au détriment de l’âme, qui s’en trouve la plupart du temps étouffée ou détruite, lorsqu’un dieu quelconque ou le serpent ont pris totalement le pouvoir de notre esprit. Certains des courants existant s’inscrivent toutefois dans une démarche spirituelle authentique.

Sachons donc de quelle kundalini nous parlons. Elles sont de trois types :

1-    Celles manifestant les forces inférieures ou astrales, éveillant l’esprit à la magie, la sorcellerie, ou l’occultisme.

2-    Celles manifestant les divinités supérieures de la conscience, éveillant l’esprit à la puissance, laissant le pouvoir du serpent dévorer l’identité. Et que ces divinités soient tantriques, égyptiennes, aztèques ou autres ne change rien à l’affaire.

3-    Et celles manifestant les forces divines ou forces créatrices, éveillant l’âme à sa propre existence et au Créateur.

Les dangers du premier type est la perte de la conscience et la perte de soi dans des sphères des dimensions astrales que l’esprit ne saura gérer, pouvant entraîner dans les cas extrêmes folie et suicide. Ou bien le développement hypertrophique de l’ego, par la mise à disposition de pouvoirs servant l’individu et les entités associées de ces mêmes sphères, entraînant manipulation, mensonge, mégalomanie, déviation sexuelle etc.… Ce type de kundalini se rencontre beaucoup dans les sociétés anciennes ou animiques empreintes de rituels magiques ou autres liés aux forces de la nature vitale inférieure. Les forces qui en résultent ont dominé l’humanité bien avant l’apparition de l’âme et de la nature divine dans l’homme. Bien qu’on trouve encore à notre époque quelques grands sorciers et occultistes développant de tels pouvoirs et les maîtrisant parfaitement, j’en ai moi-même rencontré, nombre de ces forces furent neutralisées au fil des siècles par l’évolution humaine, la prise de conscience de l’âme et le passage de quelques grands prophètes et avatars divins en notre monde.

Les dangers du second type est l’étouffement de l’âme, au profit du développement de l’esprit, par la prise en possession de dieux qui se nourriront de la personnalité et de l’ego pour asseoir leurs pouvoirs à travers, par exemple, un prêtre, un religieux, un dévot, un gourou, un disciple, ou tout individu qui aura choisi de s’abandonner à ces forces. Jusqu’à ce que l’individu, ayant disparu, n’incarne plus que les forces et leurs dieux, tenant le vital et la conscience par la béatitude et le pouvoir. On rencontre encore beaucoup, à l’heure actuelle, de telles puissances en notre monde qui prennent le visage de la spiritualité et ont su se répandre sur la planète. La facilité avec laquelle elles se développent tient du fait qu’elles n’ont pas besoin de l’accord de l’individu pour le pénétrer. Ces forces se transmettent sans difficulté, nous donnant l’impression de détenir maîtrise et pouvoir, sans nous rendre compte que nous ne sommes alors que les instruments d’un monde invisible et puissant qui a rejeté depuis longtemps le Créateur.

Le danger à développer le troisième type est la déstructuration de nos cristallisations, la perte de nos croyances, la confrontation à la réalité de la vie et de soi qui, dépouillée de son illusion, oblige à avancer sans cesse vers plus de vérité, de sagesse, de liberté et d’éternité dans une confrontation permanente à ce qui constitue son antithèse, la présence des pouvoirs inférieurs. Mais il n’y a pas plus de danger à vivre cette confrontation qu’à ne pas la vivre, car nous sommes déjà mortels, maladifs, ignorants, et cette confrontation n’est que l’émergence, la percée, l’échappée hors de cette obscurité. Si la Kundalini nous déstabilise alors, c’est que nous étions déjà instables. Sans elle, cette instabilité se serait révélée autrement, au travers d’une maladie, d’une psychose, ou autre. La faute n’en incombe pas à la Kundalini mais à notre nature. Elle n’agit que comme révélatrice de notre réalité, décuplant notre nature joyeuse ou notre nature dépressive selon le cas. Mais aucune fatalité en cela.

Les deux premiers types de kundalini sont commandés par le pouvoir du serpent, à la fois symbole et réalité inhérente à toutes les forces qui constituent le monde rebelle. Vu par les yeux du Créateur le serpent est la forme que prend le voile de la réalité lorsqu’elle est dominée par ce monde rebelle, un univers occulte dans l’univers réel, qui a su se maintenir et se développer en usurpant les forces de vies et créatrices et en les pervertissant, créant ainsi toutes les shaktis du serpent par lesquelles beaucoup se laissent séduire. Le manteau du serpent fut jeté par Dieu Lui-même sur la création rebelle afin que l’âme sache où Il est et où Il n’est pas.

L’Esprit Divin commande au troisième type de Kundalini et nous ne parlerons plus dans ce qui suit que de celui-ci, les deux premiers types ne présentant aucun intérêt spirituellement parlant.

« Il n’y a pas plus de danger à travailler la Kundalini qu’à ne pas la travailler » Affirmer cela va à contresens des idées reçues, de la superstition et de l’ignorance régnant sur le sujet. Lorsqu’on entend ce mot : « Kundalini », il résonne souvent magiquement de l’envie et de la crainte de la merveille inaccessible et effrayante, comme une sorte de mythe. Mais au-delà du mythe et de la superstition se trouve le début de la vie, la réalité d’un phénomène qui porte en lui-même l’essence de la création et de sa composante dans l’homme. A moins que l’amour et l’humanisme habitent notre vie, ne pas travailler la Kundalini à son développement, ou ne pas développer l’âme à travers une force créatrice ou divine, qu’elle soit de source Christique, Bouddhique, Supramentale ou autre, nous prive de ce qui fera la nourriture de cette âme et favorisera sa croissance. A travailler et développer la Kundalini, on prendra un grand risque, certes, qui est celui de modifier nos structures cristallisées, structures de fixation, éclatement de ce qui constitue nos attaches illusoires à une vie qui n’est le plus souvent que recherche de sécurité et de plaisance. Non pas que cela soit condamnable, mais il ne peut y avoir de sécurité et de plaisir absolu sans une part de la vie spirituelle dans notre vie temporelle, et, précisément, nous en avons peur, de peur de perdre nos attaches qui sont d’abord attaches à soi-même et nos structures, car il n’y a que là que se situe l’attachement. Alors, face au vide de l’ignorance, l’esprit se remplit de croyances et de superstitions, et certains même, interprétant le bruit qui court, lui donnent vie et l’érigent en dogme.

Physiquement, quels sont les risques à développer une Kundalini de nature divine ? Aucun, si cela est fait correctement et si certaines règles de base sont respectées qui sont des règles d’hygiène physique et morale. Notre culture occidentale nous a déjà inculqué la plupart de ces règles d’hygiène et cela fait partie de la vie de la plupart des individus, et sauf exception pour le cas de toxicomanie, de dérèglement mental ou de dépression extrême, de corps affaibli par une maladie grave, d’une amoralité excessive ou toute autre situation exceptionnelle, tout le monde peut développer une Kundalini de manière supportable, souvent agréable et curative, sans que cela ait des conséquences déstabilisantes sur l’individu. Trente années d’enseignement dans ce domaine viennent confirmer ces dires. Mais que l’on ne joue pas avec le feu. Une pureté d’intention est nécessaire. Celui qui recherchera consciemment à travers cela le pouvoir, la notoriété, la compétition ou toute autre forme malvenue sera vite confronté à ses propres déformations, engendrant alors un conflit intérieur duquel l’une ou l’autre partie sortira victorieuse : la force créatrice propulsant alors l’individu vers une remise en question, ou la force de l’ego éteignant parfois définitivement l’émergence de la vie. Mieux vaut alors ne pas commencer le travail que de le commencer dans de mauvaises conditions. Le développement de la Kundalini est une œuvre sacrée, et comme toute œuvre sacrée elle nécessite l’approche adéquate.

Mais rien de bien dangereux dans tout cela, pas plus dangereux que ce qu’est la vie elle-même et ce que nous y avons construit car la vie est un balancement permanent entre la sollicitation vers la créativité par la poussée de l’évolution, et la force du chaos s’y opposant plus par résistance et ignorance que par intention pure. Faire naître la Kundalini au sein de cette balance c’est faire pencher le plateau du côté de l’évolution, non pas parce que le poids de l’obscurité disparaîtra, mais parce que celui de la lumière augmentera, propulsant alors l’individu vers une évolution accélérée. Ne pas entreprendre cette œuvre, ou toute autre œuvre évolutive, c’est assurément laisser le poids de l’obscurité nous rattraper, car nous sommes mortels par nature, et le potentiel de vie reçu à notre naissance n’est renouvelable qu’en de rares exceptions. Notre peur n’est donc que celle existante déjà face à notre vie, car que savons-nous de l’inconnu, peut-on avoir peur de ce que nous ignorons, si ce n’est par projection de ce que nous connaissons ? La peur étant par nature un phénomène contagieux, nous pouvons observer avec quelle facilité nous pouvons perpétuer celle-ci. Ainsi, pour beaucoup, la Kundalini est devenue par ce fait un symbole d’angoisse. Il est dommage de constater à quel point un phénomène de la vie, sensé entre autre, nous apporter les réponses à notre condition traumatique puisse devenir exactement son contraire, l’objet même de nos peurs.

Indépendamment du fait que la Kundalini puisse s’éveiller chez tout être humain naturellement et sans condition particulière, qu’est-ce qui fait que le yoga puisse particulièrement favoriser le phénomène ou être utilisé pour cela ?

En fait, il suffirait que l’individu soit, ne serait-ce qu’un instant, totalement aligné sur la fréquence de sa nature divine pour que cela puisse se produire. Nous avons déjà parlé de cela. Créer cet alignement n’est pas chose difficile si nous savons nous y prendre. Le hatha yoga ou yoga des postures, favorise l’équilibre des forces physiques, les pranayamas ou exercices respiratoires, la purification du corps d’énergie, et la méditation l’apaisement du corps subtil. Respectivement ces trois aspects du yoga, menés adéquatement suffisent à eux seuls à créer les conditions de cet alignement. L’Être Divin peut alors intervenir et appeler sa composante inverse, la Kundalini enracinée dans le corps, car plus rien alors ne le sépare d’elle. Son éveil est alors spontané, puissant et complet. Mais tout ceci peut aussi se réaliser progressivement par une approche plus extérieure et un développement progressif de l’énergie. Dans un cas comme dans l’autre, nul risque particulier si ce ne sont ceux déjà cités, et même là le résultat final ne pourra être qu’un mieux de ce qui aurait de toute manière été sans.

* * *

Lorsque, dans le processus de la kundalini, l’Essence Divine est réalisée, apparaît une pulsion fondamentale qui anime tout votre Être et vous pousse à vouloir crier « Vous êtes Dieu » qui comprend intrinsèquement la pulsion « Je vous aime ». Au cœur de la conscience est né l’Être Divin, et celui-ci constitue le centre de l’individualité. Le soi n’est plus vécu alors comme une entité égotique mais comme un foyer d’où émane la Présence Divine, sorte de vortex transcendant rayonnant sur la conscience environnante. Comment décrire une telle chose sans en altérer la nature ? Quand bien même les mots adéquats puissent être trouvés, qui peut donc se représenter la chose sans en connaître la réalité ? Et celui-là même vivant celle-ci n’aurait aucun besoin de se la représenter. Mais l’appel de l’Être s’adressant à l’humanité et criant « Réveillez-vous ! » cherche alors mille moyens d’atteindre l’obscurité d’un être humain inachevé et ignorant de sa réalité. La première des actions est donc l’information car celui qui ne se croit que matière ne se donnera jamais la possibilité de se transcender ; à moins que la Grâce ne vienne l’atteindre, ce qui est le propre de l’amour, et assurément celui-ci agit en tout temps et toute circonstance comme un appel permanent du Créateur vers sa créature ignorante de ses origines.

« Je vous aime » donc, là est la pulsion fondamentale de notre Être, et on comprend mieux, vivant cela, sous quelle force est née du Créateur la création elle-même. Car par identité, l’individualité humaine qui est Essence Divine en comporte les aspects essentiels. Il n’y a absolument rien à dire de tout cela, seulement à le vivre. Mais c’est là toute la difficulté. Comment vivre une telle chose sachant le gouffre intérieur qui nous sépare de cette réalité. Et l’on pourrait se demander s’il est souhaitable de rentrer en contact avec cette réalité car alors, sortant de notre état d’inconscience, l’échelle des valeurs bascule et assurément, nous devenons atypiques, étrangers et seuls au monde car l’autre reste inaccessible, l’illusion du moi ayant été démasquée ; sauf, sauf … si l’amour naît entre les cœurs. Alors, et alors seulement l’autre est, et « je suis » par l’autre, au-delà du « je suis » par moi-même. Toutefois, cette solitude n’est pas celle de la souffrance, mais celle de celui qui se sait « je », unique et donc totalement ouvert. Car l’un ne peut naître que par contraste avec l’autre. Dans l’individualité totale naît l’amour total.

« Je suis » donc ; mais ce « je » qui se sait être n’existe pas pour lui-même ; son propre centre reste vide ; ou plutôt, il est rempli de la divinité car fondu et uni au Dieu total, l’un dans l’autre, main dans la main, comme deux amants se reconnaissent mutuellement, et, en vérité, que serait la créature sans son Créateur ? Si l’on se retourne alors vers le soi inaccompli, c’est-à-dire, l’aspect de la conscience périphérique, celle héritée de la vie et de la multitude des formes de la conscience issues de la création, alors l’amour devient créativité et œuvre, et se partage dans la forme. C’est alors l’évolution. L’Être quitte sa béatitude éternelle pour plonger dans la manifestation. La beauté prend forme, servante du bien, elle manifeste alors le germe d’une pulsion nouvelle telle une magnifique fleur au milieu d’un champ de chaos, exhalant un parfum disponible pour chacun. Parfois la fleur fane, d’autres naissent au gré de la circonstance. Mais la pulsion fondamentale demeure et si parfois le champ est vide, dans l’attente d’une nouvelle éclosion, l’Être au centre demeure inaltérable et prêt à ressurgir et renouveler son action créatrice. Ce qui est vrai pour soi l’est aussi à grande échelle et on voit parfois naître dans le monde une action créatrice de grande ampleur, une mutation de l’univers ou de la vie impulsant à l’évolution de nouvelles orientations. Qui peut croire encore qu’il n’y ait pas d’intelligence en œuvre dans l’univers ? Croyez-vous que le hasard et le chaos aient pu engendrer une telle merveille ? Pas une chance sur une infinité. Mais vous pouvez ne pas croire à cela, parce que c’est un autre qui vous le dit. Dans ce cas, vérifiez par vous-même.

« Je suis l’amour » mais je suis cela si je découvre ce cœur de moi-même créateur de l’amour. Ainsi si vous n’êtes que haine, alors, le « je » n’est autre que la haine, et la haine est ma nature. Or, précisément, la connaissance de soi n’est autre que la connaissance de cette nature. En cet instant je suis l’amour. Puis-je connaître et découvrir la source et l’origine de cet amour ? En cet instant, je suis la haine. Puis-je connaître et découvrir la source et l’origine de cette haine ? Que suis-je en cet instant ? Et sans mot, sans a priori, je regarde. Que suis-je ? Je ne cherche pas une entité Divine quelconque car le « je » n’est peut-être pas celle-ci, même si l’entité Divine existe quelque part. Voyez-vous ? Le « je » évolue. Il peut être haine, amour, pensée, peur, plaisir, joie, désir, conscience, obscurité, souffrance … Le « je » n’est pas statique, figé. Il peut changer d’instant en instant. Que suis-je en cet instant ? Voir ce que je suis, sans mensonge, avec honnêteté, en y exerçant toute mon attention, est me découvrir. Je peux être vide, je peux être plein, qu’importe, je prends contact avec cette réalité en y exerçant toute ma sensibilité, sans obstination, pour mes loisirs ou avec sérieux, mais je prends contact. Et chaque fois que je verrai, alors je me rapprocherai un peu plus de moi-même et de ce cœur Divin et Absolu, qui est la part de Dieu dans l’homme.

« Vous êtes Dieu » ai-je envie de crier à l’humanité, de souffler dans l’oreille de l’homme. Mais crier ou souffler servirait-il à quelque chose si chacun ne partait pas à la conquête de lui-même qui est la conquête du monde et de l’univers.

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