Le développement de la Kundalini par le yoga

(© 1995 – 2014)

lotus1La science du yoga a depuis longtemps codifié ses pratiques afin de mener au mieux le développement de la Kundalini. Certains se lancent parfois dans l’aventure sans en connaitre vraiment les contraintes et nécessités, ni même l’objectif de ce chemin bien particulier. Nous allons expliquer ici ce que sont les différentes étapes de ce travail. Les techniques en elles-mêmes ne peuvent s’apprendre qu’auprès d’un instructeur compétant. De plus cet instructeur doit avoir éveillé lui-même sa propre Kundalini jusque dans sa finalité s’il veut pouvoir en appréhender chez l’autre toutes les subtilités et conseiller sur ce développement. Nous livrons ce schéma de développement afin que le praticien de yoga d’une part soit au fait de ces pratiques, et que celui qui vit le processus de la Kundalini de manière sauvage sache qu’il existe des recours pour mener à bien ce développement. La Kundalini dont il est question ici est du troisième type (voir les autres articles), dans une forme liée à notre âme humaine. Dans son développement ultime elle prend un aspect solaire et divin. Lorsque la Kundalini s’éveille spontanément et sans cause apparente chez certains individus, il s’agit en général de cette forme.

Mais sachons aussi que tous les yogas ne sont pas forcément spirituels. Les processus et moyens mis en œuvre peuvent être très différents de ceux décrits ici lorsqu’il s’agit de développer une kundalini du premier ou second type.

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Nous pouvons considérer deux composantes à ce travail de développement :

La première est basée sur le développement de l’énergie elle-même qui  nous amène à vivre les différentes étapes décrites ci-après.

Et l’autre composante anticipe par un travail technique les étapes à réaliser. L’énergie pourra alors se développer avec moins de contraintes et d’autant plus vite que ce sera pour elle un travail qu’elle n’aura pas à réaliser dans nos systèmes.

Dans les deux cas cela nécessite une activité de l’énergie, transmise soit par l’instructeur, soit libérée par certaines techniques adaptées.

Les étapes de ce yoga peuvent être développées toutes ensembles, mais elles sont à acquérir dans l’ordre indiqué. Elles permettent chacune de faire un pas dans ce développement. Nous retrouvons également ces étapes, à quelques variantes près, dans d’autres yogas comme celui du yoga de Patanjali, mais elles prennent dans ce qui nous occupe un sens particulier.

La première étape consiste à acquérir une hygiène de vie, physique et psychique. L’hygiène physique a son importance car le corps doit posséder la sensibilité adéquate, le système nerveux être en bonne santé et les encombrements corporels suffisamment dégagés, pour permettre un passage harmonieux de l’énergie. Par exemple si l’alimentation n’est pas adaptée, le corps peut être lourd et empâté. L’énergie passera alors beaucoup de temps à travailler sur un simple plan physique pour redonner au corps sa sensibilité, ou pour défaire le corps de cette lourdeur, ce qui, par la résistance rencontrée, rendra le développement de l’énergie désagréable. L’alimentation doit donc être saine, sans consommer d’excitants : cigarettes, drogues, alcool, ou manger n’importe quoi. Tout ce qui alourdit le corps et émousse la sensibilité dans des énergies basses, comme l’excès de viande ou de produits sucrés, constituera un frein et un obstacle au développement de l’énergie de la Kundalini. De même certains problèmes physiques importants peuvent être un obstacle dans le travail. Il est donc nécessaire d’être en bonne santé, et dans le cas contraire travailler sur le plan de l’équilibre physique avant de travailler au développement de la Kundalini.

De même une hygiène mentale et une attitude d’esprit saine sont tout à fait nécessaires. Comme sur le plan physique, nous pouvons vivre une lourdeur ou des encombrements de la conscience et de l’esprit. Cette lourdeur est par exemple créée lorsque nous sommes pris par des conflits trop importants ou guidés par de fortes ambitions, menés par notre orgueil etc. Ou bien lorsque nous portons toutes sortes de jugements sur tout ou sur tout le monde, lorsque nous ne sommes pas en paix envers nous-même et les autres, ou si nous vivons dans le mensonge etc., L’énergie prendra alors naturellement le chemin de nos structures et de nos distorsions psychiques, dans le but de les redresser, exacerbant toutes ces tendances tout en les mettant en évidence. Là aussi si la résistance est trop forte nous pouvons en pâtir psychologiquement. D’où la nécessité de partir d’emblée d’un état d’esprit adéquat. Ne pas porter de jugements sur autrui par exemple peut constituer un bon effort de dépassement, comme d’apprendre à vivre en paix avec les personnes qui nous entourent, savoir pardonner, s’ouvrir aux autres, ne plus mentir etc. Ce qui entraine aussi d’autres vertus. L’énergie aura alors plus de liberté dans son développement, et cela limitera les tensions internes. En procédant ainsi nous ouvrons le chemin au processus. Rien que le fait de régler consciemment toutes les distorsions de la conscience peut déjà constituer un gros travail, mais cela constituera un progrès en soi. Et l’énergie en activité restera disponible pour construire notre réalisation et nos corps subtils, non pour défaire notre chaos. Elle pourra ainsi se développer beaucoup plus loin et plus vite.

L’hygiène physique et mentale ainsi décrite n’est que le point de départ. Cette étape devrait d’ailleurs être commune à toute démarche spirituelle quelle qu’elle soit.

L’étape suivante est le travail sur le corps lui-même, et il se réalise par le Hatha-yoga, travail précis de postures, de mouvements, de prises de conscience du corps, afin de lui donner une bonne stature, de manière à permettre l’équilibre des forces solaires et lunaires que porte le corps, encore appelées énergies à polarité positive et négative. Dans le terme « Hatha » de Hatha-yoga se trouve l’étymologie Ha et Tha qui veut dire soleil et lune. Lorsqu’on arrive à un bon équilibre de ces polarités, la force de la Kundalini peut passer sur d’autres plans et se développer plus profondément. L‘équilibre de cette polarité est donc nécessaire et se réalise par le Hatha yoga.

L’étape suivante est un travail précis de prise de conscience de l’énergie en elle-même et de ses lois. Tout ce travail sur la nature de l’énergie se réalise en association avec les exercices de Pranayamas ou exercices respiratoires. Nous rentrons alors dans une dimension qui dépasse la matière, le corps physique, et qui aborde directement cet autre plan et dimension, qui est la dimension de l’énergie dans son ensemble. Cet aspect se développe à la fois par le travail des Pranayamas, et par celui sur l’énergie de la Kundalini elle-même. C’est une étape de prise de conscience du souffle, à la fois physique et subtil, pour apprendre à véhiculer les souffles subtils dans les différentes parties du corps, des systèmes vitaux et de l’esprit.

Ce qui nous amène à l’étape suivante où est abordé plus précisément la nature des corps subtils et de la conscience. Cette étape nous mène particulièrement à la découverte des mécanismes du mental, de la pensée, de l’esprit, et de la conscience, et cela de manière intrinsèque. Chez la plupart des individus, l’activité mentale est soutenue, elle est quotidienne, mais demeure pour sa plus grande part insensible. Lorsqu’on demande à quelqu’un à quoi il pense, il répondra souvent : « je ne sais pas… » Ou bien en ayant une vague idée du contenu de sa pensée mais de manière tout à fait superficielle. Car ce qui sous-tend la pensée n’est presque jamais perçu et la plupart de l’activité mentale reste subconsciente. Développer cette sensibilité passe aussi par le système nerveux. Il peut être développé tout un travail afin de découvrir comment fonctionne notre pensée, quels sont ses mécanismes, quelle relation existe entre le mental et la mémoire, entre le mental et la conscience, la pensée et la réflexion etc. Ceci nous amène à la découverte des aspects du mental profond appelés communément l’inconscient, et à la découverte des liens entretenus avec la conscience collective. L’inconscient fait simplement partis des aspects plus profonds de la conscience. Le mental peut être de nature émotionnelle, de nature vitale ou autre, et même dans la profondeur de nos organes et de nos cellules se trouvent d’autres formes de mental et de conscience plus profondes encore. Une observation de ce mental pour en découvrir les mécanismes est essentielle, car une fois vu, et grâce à certaines techniques de Hatha-yoga et Pranayamas, il devient possible de pénétrer le mental et la conscience afin d’en purifier tous les aspects.

Pour acquérir cette sensibilité et rendre le système nerveux sensible au mental, la maitrise des souffles, de l’énergie et des Pranayamas, sont nécessaires. Mais sans une bonne base d’équilibre physique réalisé par le Hatha-yoga, nous ne pourrons maîtriser complètement les Pranayamas, ni la circulation des souffles. Nous voyons là dans quelle mesure il est nécessaire d’acquérir les différentes étapes les unes après les autres, afin d’être efficace dans le travail. Pourquoi ne peut-on maîtriser suffisamment les Pranayamas sans la conscience du corps ? Simplement parce que la conscience physique n’est alors pas suffisamment profonde pour pouvoir prendre toute la mesure du souffle et de l’énergie. Car ce qui va nous permettre de découvrir la nature de l’énergie sera en premier lieu la sensibilité physique, la sensibilité du corps, et la manière dont notre corps pourra lui-même recevoir l’énergie. Le corps est le vase, le creuset, la base de tout. Si le corps, en tant que creuset, est bien structuré dans la prise de conscience de ses mécanismes et structures internes, alors le souffle pourra circuler librement à l’intérieur de lui et des corps subtils. Et nous pourrons alors nous en détacher et découvrir ce qui existe sur le plan de l’énergie elle-même.

A partir de là le travail de l’énergie sensibilisera encore plus profondément notre système d’énergie et notre système nerveux, ce qui permettra d’aborder le système mental de manière plus profonde. Inversement si nous n’arrivons pas à maîtriser l’énergie et les souffles, nous ne pourrons pénétrer le mental très profondément.

Une fois cela acquis, et lorsque, grâce aux Pranayamas, la sensibilité du système nerveux s’est bien développée, nous pouvons envisager de travailler dans la conscience elle-même, c’est-à-dire explorer les domaines propres à la conscience et agir sur les structures de celle-ci. Ce qui constitue l’étape suivante : la modification des structures de la conscience.

La conscience peut être imagée comme une sphère qui contient en elle-même un grand nombre de choses. Le mental est lui-même une projection de la conscience. C’est-à-dire que la nature du mental est identique à celle de la conscience, à cette différence que la conscience mentale n’est pas une conscience unifiée, elle est morcelée, divisée. Dit d’une autre manière le mental est l’interprétation cérébrale et corporelle de la conscience. C’est le cerveau, la biologie, ou les cellules profondes du corps, qui interprètent la conscience sous la forme de mental.

Les structures de la conscience ont un rôle essentiel dans le développement de l’énergie. S’il s’y trouve une structure cristallisée, distordue, repliée sur elle-même etc., l’énergie de la Kundalini dans son développement va buter dessus, et passera du temps à y travailler pour continuer son cheminement, exacerbant au passage les distorsions de cette conscience. Mais lorsqu’on possède la maîtrise de l’énergie, nous pouvons agir sur la conscience et pénétrer sa structure afin de la retourner, la redresser, l’ouvrir pour la placer en bon fonctionnement. Lorsque nous maitrisons cela, par un simple regard ou une simple concentration méditative nous pouvons défaire un nœud intérieur qu’il aurait peut-être fallu avec les étapes précédentes des mois de pratique pour pouvoir être défait. Car d’une certaine manière nous pourrions obtenir le même résultat avec le travail physique qu’avec les Pranayamas, ou le même résultat avec les Pranayamas qu’avec le travail sur la conscience, mais cela prendrait chaque fois beaucoup plus de temps.

De fait chaque étape du travail est importante, et l’instrument acquis à chaque étape devient chaque fois plus efficace que l’instrument acquis dans l’étape précédente.

Une fois acquise la capacité de pouvoir modeler la conscience, nous commençons à sortir de l’identification et pouvons envisager d’aller au-delà de la conscience elle-même. L’identification a lieu chaque fois qu’existe un sujet, un observateur vivant l’expérience, même si celle-ci a lieu sur la conscience elle-même. Mais à ce stade commence à être découverte la différence entre le sujet, et l’objet de son attention, c’est à dire entre celui qui est l’acteur réel et l’objet sur lequel il agit. Ainsi, lorsque nous agissons sur un aspect de notre conscience pour le modifier, l’aspect de la conscience sur lequel nous agissons est l’objet. Dans une telle situation nous pourrions alors nous poser la question : « qui agit sur cette conscience ? » Et pour avoir la réponse il doit se produire une désidentification. Celle-ci a lieu entre la conscience et l’esprit, l’esprit étant lui-même plus profond que la conscience.

C’est le fait même de la découverte par l’expérimentation de ces différents mécanismes qui entraine cette désidentification. A partir de là nous commençons à passer du domaine de la conscience, au domaine de l’esprit, ce qui va constituer l’étape suivante, où se créent les états de méditation et de Samãdhi.  Dans ceux-ci se produit un détachement de l’esprit, il n’est plus identifié à la conscience ni au moi. Ce niveau est plus profond et se trouve au-delà de la conscience. Mais pour aller dans cette direction, il faut avoir pris la mesure des structures de la conscience, de leur malléabilité, du fait que nous vivons cette identification de l’esprit, Et que la conscience elle-même ne constitue pour l’esprit qu’un objet, qui peut être perçu dans toutes ses structures. L’énergie de la Kundalini peut aussi nous aider à réaliser cette étape, et même nous amener jusque-là. Comme nous pouvons aussi y arriver par nous-mêmes, et lui ouvrir le chemin.

L’étape ultime, après cela, est de se rendre à la source même de l’esprit. Ce qui constitue également pour la Kundalini son développement ultime. Cette étape se réalise par le Savikalpa Samãdhi, c’est à dire là où la Kundalini trouve son plein déploiement et ou l’esprit retourne à sa source, dans le Divin. Plus tard à travers le Laya-Yoga, ou yoga de la dissolution, le Savikalpa Samãdhi devra évoluer vers le Nirvikalpa Samãdhi qui constitue l’état d’intégration totale de la conscience.

Pour résumer, nous pourrions très bien ne nous appuyer que sur le travail de l’énergie de la Kundalini pour nous mener à travers ces différentes étapes. Elle-même nous amène à la découverte de ces différents aspects. Mais ne se baser que sur l’énergie peut prendre énormément de temps pour accomplir le processus. Des exercices et techniques bien rodés sont là pour anticiper ce développement et lui ouvrir le chemin. L’un dans l’autre, les deux mécanismes s’entraînent alors et s’entraident mutuellement. Ce tout constitue notre yoga de la Kundalini.

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